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in CANADIAN JOURNAL of OPTOMETRY | REVUE CANADIENNE D'OPTOMÉTRIE
Syphilis oculaire et co-infection par le virus de l’immunodéficience humaine : Un rapport de cas
Sommaire
La syphilis oculaire est une complication rare de la syphilis causée par la bactérie spirochète Treponema pallidum. Le diagnostic de la syphilis oculaire est difficile à établir en raison de ses manifestations cliniques diverses et souvent non pathognomoniques. Nous présentons le cas d’un patient sans antécédents connus d’infections transmises sexuellement, qui a présenté une baisse soudaine de la vision et une uvéite granulomateuse bilatérale. Des analyses sérologiques ont ensuite confirmé une co-infection par la syphilis et le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Ce cas souligne l’importance d’une approche multidisciplinaire dans la prise en charge de la syphilis oculaire, en particulier dans le contexte d’une co-infection par le VIH.
Main Text
INTRODUCTION
La syphilis oculaire peut survenir à n’importe quel stade de la syphilis et présente un large éventail de manifestations cliniques. L’uvéite est la manifestation ophtalmologique la plus courante de la syphilis et, plus précisément, l’uvéite postérieure et la panuvéite sont plus susceptibles de se produire aux stades avancés de la syphilis 1, 2. Les autres manifestations de la syphilis oculaire comprennent l’uvéite antérieure, la neuropathie optique, la vascularite rétinienne et la kératite interstitielle2. Même si la syphilis oculaire ne représente que 1 à 5 % des cas d’uvéite aux États-Unis, elle doit rester un diagnostic différentiel en cas d’inflammation oculaire3. En outre, la syphilis oculaire peut être la seule indication d’une syphilis non diagnostiquée. Par conséquent, la détection précoce est essentielle pour assurer un traitement rapide afin de prévenir d’autres complications. Cependant, la syphilis oculaire est un défi diagnostique, car les résultats cliniques sont généralement non spécifiques et non pathognomoniques. Un diagnostic définitif implique des analyses sérologiques et, en cas de suspicion de neurosyphilis, une analyse du liquide céphalo-rachidien (LCR)2, 4, 5, 6. On estime que 40 % des patients atteints de syphilis présentent une co-infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et doivent donc faire l’objet d’une évaluation pour ces deux types d’infection5.
Nous rapportons le cas d’un patient sans antécédents connus d’infections transmises sexuellement (ITS), qui s’est présenté avec une baisse soudaine de la vision et une uvéite granulomateuse bilatérale. Des analyses sérologiques ont ensuite confirmé une co-infection par la syphilis et le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Ce cas souligne l’importance d’une approche multidisciplinaire dans la prise en charge de la syphilis oculaire, en particulier dans le contexte d’une co-infection par le VIH.
RAPPORT DE CAS
Un homme afro-américain de 67 ans s’est présenté pour un examen de la vue non planifié en se plaignant principalement d’une vision floue persistante non corrigée dans les deux yeux (OU) depuis les deux dernières semaines. Le patient ne se souvenait pas de la date de son dernier examen de la vue, déclarant qu’il remontait à un certain temps. Les antécédents oculaires personnels et familiaux du patient n’ont révélé aucune maladie, blessure ou infection oculaire. Ses antécédents médicaux et sociaux étaient marqués par un cancer de la prostate, une dépendance à la cocaïne, le tabagisme et une situation d’itinérance. La meilleure acuité visuelle corrigée (MAVC) était de 20/40 pour l’œil droit (OD) et de 20/40 pour l’œil gauche (OS). Les pupilles étaient également rondes et réactives à la lumière (PERRL) sans déficit pupillaire afférent relatif (DPAR). Les champs visuels de confrontation (CVC) étaient complets OD/OS et les mouvements extraoculaires (MEO) étaient libres OU. L’examen à la lampe à fente (ELF) a révélé des précipités kératiques bilatéraux de type « graisse de mouton » répartis de façon diffuse sur l’endothélium cornéen et une légère inflammation de la chambre antérieure, sans synéchie apparente de l’iris ni hyperémie conjonctivale. La pression intraoculaire (PIO) était de 20 mmHg OD et 23 mmHg OS. Le cristallin présentait une légère cataracte par sclérose nucléaire OU. Il n’y avait pas de vitrite, d’atteinte du nerf optique ou de la macula, de vascularite ou de rétinite apparentes à l’examen du fond d’œil dilaté, y compris de périphlébite ou de rétinite. Les résultats de la tomographie par cohérence optique (TCO) de la macula et de la couche de fibres nerveuses rétiniennes (CFNR) du nerf optique se situaient dans les limites normales OU (figures 1 et 2). Étant donné que l’examen du segment postérieur n’avait rien d’anormal, la baisse d’acuité visuelle a été attribuée à la réaction inflammatoire oculaire antérieure. Le patient a d’abord reçu un diagnostic d’uvéite antérieure bilatérale et a été aiguillé vers un spécialiste de l’uvéite. Comme il a déclaré ne pas souffrir de photophobie ni d’inconfort oculaire, le début du traitement et l’examen approfondi ont été confiés au spécialiste.
Première visite avec un spécialiste de l’uveite
Malgré l’orientation immédiate vers le spécialiste, le patient s’est présenté deux semaines après l’examen initial, invoquant des conflits d’horaire personnels pour expliquer le retard dans le suivi. Le patient a signalé une vision « trouble » stable OU et a déclaré ne pas ressentir de douleur oculaire ni de photophobie. La MAVC est demeurée stable et les tests préliminaires des pupilles, du CVC et des MEO n’ont révélé aucune anomalie. L’ELF a révélé des PK granulomateux de taille petite à moyenne OU, des cellules et « flare » allant de trace à grade 1+ dans la chambre antérieure OU, avec un débordement dans le vitré évident à l’EFO OU. La PIO était de 11 mmHg OD et 17 mmHg OS. Le segment postérieur est demeuré sans particularité OU. La TCO de la macula semblait être dans les limites normales OU. On a diagnostiqué chez le patient une uvéite antérieure granulomateuse bilatérale, et un traitement a été instauré avec une suspension ophtalmique d’acétate de prednisolone à 1 %, administrée quatre fois par jour (QID) OU. Le difluprednate ou des doses plus fréquentes d’acétate de prednisolone 1 % (par exemple, toutes les 2 heures) auraient été envisagés si le patient avait eu une inflammation plus modérée ou était symptomatique.
Une radiographie du thorax et un bilan sérologique de l’uvéite (tableau 1) ont été demandés, comprenant les anticorps du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), une numération sanguine complète (NSC), un bilan métabolique complet (BMC), les antigènes leucocytaires humains B27 (HLA-B27), le test rapide de la réagine plasmatique (RPR) et un test de microhémagglutination pour T. pallidum (MHA-TP). Un suivi a été prévu deux semaines plus tard.
Deuxième visite avec un spécialiste de l’uvéite; 4 semaines après la présentation initiale
Le patient n’a pas exprimé de nouvelles préoccupations visuelles et a signalé que la baisse de sa vision était stable. Il a toutefois signalé avoir des douleurs bilatérales au niveau des pieds. Il instillait la suspension ophtalmique d’acétate de prednisolone à 1 % deux fois par jour (BID) OU et non QID comme prescrit à l’origine. Les résultats de la MAVC, de l’ELF, de l’EFO et de la TCO sont restés inchangés. La PIO était de 17 mmHg OD et de 21 mmHg OS. Aucun signe d’inflammation des ganglions préauriculaires (PA) n’a été détecté à la palpation. Le patient a déclaré ne pas avoir subi les analyses sérologiques et la radiographie thoracique prescrites, même s’il avait été informé de leur importance. On lui a demandé de se soumettre aux tests de laboratoire et à la radiographie thoracique le jour même et on lui a rappelé l’importance de l’observance du traitement par la suspension ophtalmique d’acétate de prednisolone QID OU. Un suivi a été prévu trois semaines plus tard.
Consultation avec le service des maladies infectieuses (MI)
Vingt-quatre heures après sa dernière visite chez le spécialiste de l’uvéite, les résultats de laboratoire du patient ont montré une RPR réactif et un MHA-TP de confirmation à >1:512, ainsi qu’un test Ag/Ab VIH présumé positif. Son facteur de risque pour le VIH était un contact hétérosexuel non protégé avec plusieurs partenaires. Plusieurs mois auparavant, il avait remarqué une lésion sur son pénis qui « ressemblait à la teigne » qui s’était résorbée sans traitement. Il a également signalé une perte de poids involontaire de 9 kg et des sueurs nocturnes occasionnelles.
Une consultation au service des maladies infectieuses a été demandée et le patient a ensuite été hospitalisé pour traitement. L’examen physique a révélé un amaigrissement temporal bilatéral et un muguet buccal sur la langue postérieure. En plus d’un bilan métabolique et lipidique complet de base, les résultats du bilan VIH initial sont décrits dans le tableau 2. Aucune ponction lombaire pour évaluer le LCR ni aucune imagerie cérébrale (par exemple, tomodensitométrie ou imagerie par résonance magnétique) n’a été effectuée, car il ne présentait aucun autre signe neurologique indiquant une neurosyphilis, comme un dysfonctionnement des nerfs crâniens, une altération de l’état mental, un méningisme ou des signes d’accident vasculaire cérébral. Il a été mis sous triple thérapie antirétrovirale (ART) avec du bictégravir, de l’emtricitabine et du ténofovir alafénamide. Il n’avait pas d’antécédents d’allergie à la pénicilline et a été mis sous traitement de première intention par pénicilline G aqueuse intraveineuse, 4 millions d’unités toutes les 4 heures pendant 14 jours. Le muguet a été traité avec une suspension orale de mycostatine (500 000 unités/5 mL Q6H). Il a terminé le traitement de 14 jours contre la syphilis à l’hôpital et son muguet s’est résolu. Il a été vu par le service des maladies infectieuses trois semaines après son congé. Ses CD4 étaient remontés à 563 cellules par millimètre cube (18,2 %) et sa charge virale VIH était tombée à 72 copies.
Troisième visite avec un spécialiste de l’uvéite; 7 semaines après la présentation initiale
Le patient a fait état d’une vision stable et d’une bonne observance du traitement par suspension ophtalmique d’acétate de prednisolone à 1 % QID OU. Le patient était sous traitement antirétroviral pour le VIH et avait terminé un traitement hospitalier pour une syphilis tertiaire avec de la pénicilline G intraveineuse. L’AV non corrigée s’est améliorée à 20/25 OD et 20/30 OS. Les résultats des tests préliminaires, y compris les MEO, les pupilles et le CVC sont demeurés stables et sans particularité. La PIO était de 13 mmHg OD et de 16 mmHg OS. L’ELF a révélé de rares PK OD et de petits PK OS (fig. 3), sans réaction de la chambre antérieure OU. La TCO de la macula était dans les limites normales OU. Compte tenu de l’amélioration des PK et de l’absence d’inflammation de la chambre antérieure, on a décidé de commencer à diminuer la suspension ophtalmique d’acétate de prednisolone à 1 %, en la faisant passer à la dose BID OU. On a conseillé au patient de poursuivre les visites de suivi avec le service des MI et de prendre rendez-vous un mois plus tard pour une évaluation des segments antérieur et postérieur.
Quatrième visite avec un spécialiste de l’uvéite; 11 semaines après la présentation initiale
Le patient a noté une amélioration importante de sa vision non corrigée, atteignant 20/20 OD et 20/20 OS. L’ELF a révélé l’absence de PK et de réaction de la chambre antérieure. La PIO était de 16 mmHg OD et de 18 mmHg OS. L’EFO n’a pas révélé de résultats particuliers. Le patient a reçu l’instruction de réduire la suspension ophtalmique d’acétate de prednisolone à 1 % à une instillation par jour pendant les 2 semaines suivantes, puis de l’arrêter complètement. Un rendez-vous de suivi a été fixé trois mois plus tard pour une vérification du segment antérieur et une TCO maculaire.
DISCUSSION
La syphilis, une infection transmise sexuellement ou congénitalement causée par la bactérie spirochète T. pallidum, présente un défi diagnostique en raison de ses manifestations cliniques diverses et souvent non pathognomoniques, comme l’illustre ce rapport de cas. Notre patient a reçu un diagnostic fortuit de syphilis lorsqu’il a passé un examen de la vue pour une vision trouble d’apparition récente, en l’absence de symptômes subjectifs typiques de l’uvéite tels que photophobie et douleur oculaire. La présence de PK de type « graisse de mouton » et d’une réaction de la chambre antérieure a conduit à un examen plus approfondi, qui a permis de diagnostiquer une syphilis oculaire et une co-infection par le VIH. Par conséquent, la syphilis oculaire, qui peut survenir à n’importe quel stade de la syphilis, devrait être considérée comme un diagnostic différentiel chez les patients atteints d’uvéite4·7.
Résurgence de la syphilis :
Le rapport de surveillance des ITS publié en 2022 par les Centers for Disease Control (CDC) a révélé les niveaux les plus élevés de cas de syphilis aux États-Unis depuis 1950. Au cours de la période 2018-2022, on estime que le nombre de cas de syphilis a augmenté de 80 %, avec plus de 200 000 cas signalés dans l’ensemble du pays en 2022. Le pic le plus important s’est produit au plus fort de la pandémie de COVID-19 entre 2020 et 20218·9. Le nombre de cas de syphilis oculaire signalés a également augmenté, parallèlement à l’augmentation de la syphilis systémique. Cependant, l’augmentation statistique précise est difficile à déterminer puisque la syphilis oculaire serait sous-diagnostiquée4.
Syphilis oculaire
La syphilis oculaire peut toucher n’importe quelle partie de l’œil (tableau 3) et ressembler à diverses affections, ce qui rend son identification cruciale pour un traitement et une prise en charge appropriés4, 10. La physiopathologie implique que T. pallidum pénètre dans l’organisme par la muqueuse ou la peau éraflée et finit par traverser la barrière hémato-oculaire, entraînant une réponse immunitaire suivie d’une inflammation4. Les premiers symptômes de la syphilis peuvent comprendre un chancre, qui est un ulcère indolore au site d’inoculation. Les chancres sont généralement observés sur les organes génitaux, la zone périrectale ou la bouche et, rarement, sur la paupière et la conjonctive. Après avoir obtenu un résultat positif au test de dépistage de la syphilis, notre patient a été évalué par le service des maladies infectieuses et a divulgué qu’il avait eu sur son pénis une lésion de forme annulaire indolore qui avait disparu par la suite. Cette lésion était probablement un ulcère ou un chancre au point d’inoculation.
La syphilis affecte plus fréquemment les yeux aux stades secondaire et tertiaire3. Au stade secondaire, la bactérie spirochète se propage dans la circulation sanguine et peut provoquer de la fièvre, une éruption cutanée, des lésions cutanéo-muqueuses, une lymphadénopathie et une inflammation des tissus oculaires du segment antérieur ou postérieur, telle qu’une uvéite antérieure granulomateuse ou non, une kératite interstitielle et une choriorétinite (tableau 3). Si la syphilis secondaire évolue vers le stade tertiaire, il existe un risque d’atteinte généralisée du système cardiovasculaire et d’autres tissus, qui peut se manifester sous la forme de gommes, des lésions granulomateuses non sensibles qui peuvent également apparaître sur les paupières. La neurosyphilis, comme la syphilis oculaire, peut survenir à n’importe quel stade clinique et se développer lorsque T. pallidum envahit le système nerveux central en franchissant la barrière hématoencéphalique. Les signes et symptômes de la neurosyphilis comprennent la méningite, les neuropathies du nerf crânien et les pupilles d’Argyll-Robertson10.
Co-infection par le VIH et la syphilis :
La co-infection par le VIH est apparue comme un facteur de risque important pour le développement de manifestations oculaires syphilitiques, car les deux maladies ont des voies de transmission et des facteurs de risque démographiques similaires. Étant donné que la transmission de la syphilis peut se faire par contact sexuel, le fait d’avoir des relations sexuelles avec une personne infectée constitue un facteur de risque important3, 4. Les taux de transmission varient d’une étude à l’autre, mais on estime généralement qu’ils se situent entre 10 % et 60 % entre une personne infectée et une personne non infectée. Les caractéristiques démographiques communes des patients atteints de syphilis oculaire aux États-Unis sont les suivantes : sexe masculin, cinquième décennie de vie, ethnie afro-américaine ou caucasienne. En ce qui concerne le statut VIH, la syphilis oculaire est plus fréquente chez les hommes que chez les femmes séropositifs. Des études portant sur des sujets infectés par la syphilis oculaire ont montré que les patients séropositifs sont de 5 à 20 ans plus jeunes que les patients séronégatifs4. Notre patient répondait à ces caractéristiques démographiques, à l’exception du fait qu’il était plus âgé.
Il est intéressant de noter que la syphilis oculaire peut être la première manifestation de la syphilis avant que le statut VIH ne soit officiellement déterminé, comme dans le cas de notre patient3, 4. Les patients atteints de syphilis et séropositifs sont également deux fois plus susceptibles de signaler des symptômes de syphilis oculaire que les patients non séropositifs7. Les données de surveillance recueillies par Taylor et coll. dans quatre villes américaines ont montré que les personnes co-infectées présentaient une prévalence accrue de charge virale du VIH détectable, ce qui est associé à un risque élevé de transmission du VIH11. Selon certains rapports, le VIH pourrait compromettre la réponse immunitaire, ce qui entraînerait une prédisposition à l’atteinte du segment postérieur et à la neurosyphilis, par rapport aux patients séronégatifs. Il est intéressant de noter que de nombreuses études n’ont montré aucune association entre le statut VIH et le pronostic visuel final. Cependant, étant donné qu’une co-infection VIH-syphilis peut accélérer la survenue de complications systémiques pour les deux affections, il est impératif que les patients atteints de syphilis oculaire subissent un test de dépistage du VIH4.
Diagnostics différentiels de l’uvéite syphilitique :
L’uvéite présente un large éventail d’étiologies infectieuses et non infectieuses, et il est donc important de distinguer l’uvéite syphilitique pour une prise en charge systémique appropriée3, 10. Bien que notre patient n’ait pas déclaré d’antécédents de maladies inflammatoires oculaires ou systémiques, l’aspect unique des PK bilatéraux de type « graisse de mouton » indiquant une uvéite antérieure granulomateuse chronique, suggérait une affection systémique non diagnostiquée qui nécessitait un examen plus approfondi. Les étiologies non infectieuses comprennent les spondylarthropathies séronégatives HLA-B27 (spondylarthrite ankylosante, arthrite réactive, arthrite psoriasique, maladie inflammatoire de l’intestin), la sarcoïdose, le lupus systémique, la maladie de Behcet, la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada, la sclérose en plaques, ainsi qu’une longue liste de causes non infectieuses moins fréquentes. Les étiologies infectieuses les plus fréquentes autres que la syphilis comprennent les origines bactériennes (Mycobacterium tuberculosis, maladie de Lyme [Borrelia burgdorferi], virales [Herpes simplex, Herpes Zoster, cytomégalovirus] et parasitaires [Toxoplasma gondii, toxocariose, trématodes]12, 13. C’est pourquoi il est indiqué de procéder à des analyses de laboratoire appropriées (tableaux 1 et 2) et, en cas de suspicion de neurosyphilis, à une analyse du LCR. Aux États-Unis, les tests diagnostiques de la syphilis comprennent des tests tréponémiques et non tréponémiques. Les tests non tréponémiques, principalement le test rapide de la réagine plasmatique (RPR) et le test du Venereal Disease Research Laboratory (VDRL) sont généralement utilisés pour dépister et détecter les anticorps antiphospholipides. Il convient de noter que le RPR sérique semble être plus sensible que le VDRL sérique pour détecter les anticorps non tréponémiques, indépendamment du stade de la syphilis, et que le RPR semble être plus spécifique que le VDRL. Les titres sériques obtenus par RPR et VDRL ne doivent pas être utilisés de manière interchangeable pour la prise en charge des patients, car il ne s’agit pas de tests équivalents. Le test sérologique non chauffé au rouge de toluidine (TRUST) est également disponible, mais il est moins utilisé. Les tests tréponémiques détectent les anticorps dirigés contre les antigènes de Treponema pallidum. Il n’est pas rare que les anticorps persistent après le traitement, ce qui se reflète dans le terme « sérofaste » ou cicatrice sérologique. Les titres sérofast tendent à être plus importants chez les patients infectés par le VIH2, 14.
Dans le cas de notre patient, le traitement de l’uvéite et le bilan sérologique ont été confiés au spécialiste de l’uvéite. Cependant, ils auraient pu être demandés au moment de l’examen de la vue initial afin d’accélérer la prise en charge multidisciplinaire avec le service des MI. Malgré cela, le patient a reçu rapidement un traitement hospitalier pour la syphilis, car toute l’équipe médicale se trouvait dans le même établissement hospitalier, ce qui a facilité la communication interdisciplinaire et l’accès aux résultats des analyses sérologiques et aux dossiers médicaux électroniques. Dans un contexte où un aiguillage vers d’autres établissements peut être indiqué, les retards dans le traitement et la communication décousue entre les prestataires peuvent constituer un obstacle à une prise en charge cohérente.
Traitement et prise en charge :
Les lignes directrices actuelles recommandent la pénicilline G intraveineuse comme traitement de première intention de la syphilis, comme le montre ce cas. L’instauration d’un traitement antirétroviral en cas d’infection concomitante par le VIH est également cruciale4. Les données suggèrent que le traitement antirétroviral peut réduire la susceptibilité à la transmission de la syphilis et accélérer la réponse au traitement de la syphilis par le biais de l’immunorestauration15, 16. Les corticostéroïdes et les agents cycloplégiques, tels que la suspension ophtalmique d’acétate de prednisolone à 1 % et le cyclopentolate à 1 %, sont souvent utilisés comme traitement d’appoint pour gérer l’inflammation et la douleur oculaires3, 11. Notre patient est resté asymptomatique pour ce qui est de tout inconfort oculaire, sans aucun signe de synéchies postérieures. Par conséquent, aucun agent cycloplégique n’a été utilisé, mais il aurait été envisagé si l’uvéite ne s’était pas améliorée lors des visites ultérieures.
Les traitements de la syphilis oculaire et de la neurosyphilis sont identiques et un examen du LCR n’est pas nécessaire avant de commencer le traitement8. Si notre patient avait développé d’autres signes ou symptômes neurologiques, une analyse du LCR aurait été nécessaire. Une analyse du LCR peut également être utile chez les patients atteints de syphilis qui présentent des symptômes oculaires, mais ne présentent aucune anomalie lors d’un examen oculaire10. Les résultats typiques de l’analyse du LCR dans la neurosyphilis comprennent une numération leucocytaire élevée dans le LCR avec une pléiocytose lymphocytaire accrue, une augmentation des protéines dans le LCR, un VDRL ou un RPR positif sur LCR (plus spécifique, mais moins sensible) ou un FTS-ABS ou un TP-PA sur LCR (plus sensible, mais moins spécifique).
Pronostic :
Le pronostic de la syphilis oculaire est variable et dépend de facteurs comme le stade de l’infection, un diagnostic rapide et l’observance du traitement. Si un patient atteint d’uvéite et recevant des stéroïdes topiques ou oraux ne montre pas d’amélioration, c’est peut-être parce qu’il ne respecte pas le traitement, qu’il a une infection active non traitée ou, comme dans le cas de notre patient, les deux. Le dépistage et le traitement précoces de la syphilis peuvent permettre d’obtenir un résultat favorable en termes d’acuité visuelle (20/40 ou plus) chez les patients atteints de syphilis oculaire. Notre patient, par exemple, a montré une amélioration rapide de l’inflammation oculaire et une récupération visuelle à la suite d’une antibiothérapie intraveineuse à la pénicilline G.3, 4, 10, 13, 15
Prévention et éducation des patients :
En cas de syphilis, un dépistage et une intervention médicale rapide peuvent atténuer les complications oculaires et faciliter ainsi la récupération visuelle. Le dépistage systématique de la syphilis dans les populations à haut risque, par exemple chez les patients ayant de multiples partenaires sexuels ou des antécédents d’ITS, ainsi que l’éducation des patients sur les facteurs de risque de transmission des ITS sont impératifs17. L’éducation des patients comprend, sans s’y limiter, des modifications du mode de vie telles que des pratiques sexuelles sûres, le dépistage des ITS, la sensibilisation aux signes et symptômes des ITS, et le traitement en tant que prévention18, 19.
CONCLUSION
Même si la syphilis oculaire survient chez moins de 5 % des patients atteints de syphilis, les professionnels des soins oculovisuels observent une augmentation des cas de syphilis oculaire, notamment en raison de la résurgence de la syphilis ces dernières années3. Ce cas souligne l’importance de maintenir un niveau élevé de suspicion pour la syphilis oculaire et une co-infection potentielle par le VIH chez les patients présentant une uvéite granulomateuse, en particulier chez ceux qui présentent des facteurs de risque pertinents. Un diagnostic rapide et un traitement approprié, ainsi qu’une collaboration multidisciplinaire, peuvent permettre d’améliorer les résultats et de préserver la fonction visuelle.
CONTRIBUTION
Tous les auteurs ont contribué à la conception de l’article, à l’acquisition, à l’analyse ou à l’interprétation des données. Tous les auteurs ont participé à la rédaction et à la formulation de commentaires sur le document et ont approuvé la version finale.
FINANCEMENT
Cette étude n’a reçu aucune subvention particulière d’organismes de financement des secteurs public, commercial ou sans but lucratif.
INTÉRÊTS CONCURRENTS
Tous les auteurs déclarent qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts.
APPROBATION ÉTHIQUE
Non requise pour ce type d’article.
Sommaire
Main Text
INTRODUCTION
RAPPORT DE CAS
Première visite avec un spécialiste de l’uveite
Deuxième visite avec un spécialiste de l’uvéite; 4 semaines après la présentation initiale
Consultation avec le service des maladies infectieuses (MI)
Troisième visite avec un spécialiste de l’uvéite; 7 semaines après la présentation initiale
Quatrième visite avec un spécialiste de l’uvéite; 11 semaines après la présentation initiale
DISCUSSION
Résurgence de la syphilis :
Syphilis oculaire
Co-infection par le VIH et la syphilis :
Diagnostics différentiels de l’uvéite syphilitique :
Traitement et prise en charge :
Pronostic :
Prévention et éducation des patients :
CONCLUSION
CONTRIBUTION
FINANCEMENT
INTÉRÊTS CONCURRENTS
APPROBATION ÉTHIQUE